Présentation du deuxième cours de Laïla Commin-Allié
Lors de la séance précédente, à partir de l’observation de la structure du texte de Thomas More, L’Utopie, composée en trois temps (critique d’une société – présentation d’un espace modèle d’établissement humain promoteur – d’une société nouvelle) nous avons amorcé une possible différenciation entre « Cité idéale » – liée aux utopies par la commune présentation d’un espace d’établissement humain structuré, géométrisé – et « Cité modèle de l’utopie » qui vise à l’avènement d’une société nouvelle.
Afin de mieux cerner les liens unissant utopies et théories de l’établissement humain du XXe siècle, (l’urbanisme) il nous a semblé nécessaire de présenter les théories antérieures – celles des « arts urbains »- que nous avons étudiées à partir de deux traités d’architecture, celui de Vitruve (1er siècle av. JC) et celui d’Alberti (XVe siècle). Nous avons pu constater que les trattatistes ne proposaient pas de modèles mais une série de règles permettant l’élaboration d’une infinité de mondes possibles.
Pour quelles raisons, alors, le XXe siècle, a t-il eu besoin d’inventer un néologisme « urbanisme » pour redéfinir la démarche conceptuelle de la création des villes? Il semblerait que l’urbanisme ait voulu résoudre un problème qui s’est posé avant sa création, dès les premières décades du XIXe siècle : celui de l’aménagement de la cité machiniste. Nous avons alors exploré les critiques faites à la ville durant tout le XIXe siècle (période du pré-urbanisme) et nous avons vu que des hygiénistes (B.W. Richardson) ou des penseurs politiques ( en particulier les écrits du socialisme utopique: Owen, Fourier, Considérant, Godin, Cabet, Proudhon …) proposaient un modèle de projection spatiale tourné vers l’avenir, confiant dans les progrès des sciences et des techniques. Le modèle que F.Choay dans L’urbanisme, utopies et réalités, nomme « modèle progressiste ».
Les pré-urbanistes progressistes proposent un établissement humain éclaté, atomisé, auto-suffisant et juxtaposable à l’infini. Leurs espaces sont ordonnés, standardisés (édifices types, palais d’habitation, rue galerie, mobilier type …); ils désagrègent le concept traditionnel de ville. Pensées pour libérer l’homme des servitudes et des tares de la cité industrielle ces propositions n’en constituent pas moins un système contraignant et répressif : de par la rigidité du cadre spatial mais aussi au travers d’une contrainte plus politique; ces dispositifs visant en fait à un rendement maximal des activités de leurs habitants. Le XIXe siècle verra émerger un autre courant pré-urbaniste : le « modèle culturaliste », plus tourné vers le passé. Nous l’évoquerons lors de la prochaine séance avant de passer à l’exploration des théories de l’urbanisme à proprement parler. Le plan suivi sera celui qui a déjà été annoncé.